Déductibilité des dommages et intérêts punitifs : retour perdant devant la CAA

L'article 39 du code général des impôts s'oppose à ce qu'une entreprise déduise de son résultat fiscal "[l]es sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt".

Dans une décision de plénière fiscale du 8 décembre dernier, le Conseil d'Etat avait précisé dans quelle mesure cet article pouvait s'appliquer aux paiements de dommages et intérêts punitifs (CE, Plén. fisc., 8 déc. 2023, n°458968, Lebon).

Il avait alors précisé que n'était en principe pas déductible "la sanction pécuniaire prononcée par une autorité étrangère à raison de la méconnaissance d'une obligation légale étrangère". Il avait néanmoins indiqué que, par exception, une telle sanction était déductible si elle "a été prononcée en contrariété avec la conception française de l'ordre public international". Il a ensuite renvoyé l'affaire devant une cour administrative d'appel.

Celle-ci a dû alors déterminer si, en l'espèce, la sanction déduite par la société ayant fait l'objet d'un contrôle fiscal remplissait ou non les conditions ci-dessus.

Elle va tout d'abord juger que  le prononcé de la sanction ne porte pas d'atteinte, en l'espèce, au principe de proportionnalité des peines prévu par la DDHC et du droit au respect des bien protégé par l'article 1P1 de la CESDH.

Elle relève à ce titre que :

  • si le montant de la sanction prononcée est supérieur au dommage subi par le co-contractant, elle considère que "compte tenu de l'ampleur du préjudice subi par [le co-contractant] de près de 4,8 millions de dollars et de la nature des manquements de la société [contribuable], le montant de la sanction, plafonné à 5 millions de dollars, qui lui a été infligée n'est pas disproportionné".

  • si le montant des "compensatory damages" est supérieur au préjudice subi, cela "n'est pas suffisant pour caractériser une telle disproportion au sens des principes essentiels du droit français".

  • si l'application des règles françaises ou européennes fait obstacle au prononcé d'un tel montant, cela ne démontre pas que le montant des "compensatory damages" serait excessif.

La Cour va ensuite estimer que la procédure ayant conduit au prononcé de la sanction n'a pas méconnu les exigences d'un procès équitable et les droits de la défense en relevant que :

  • même si la décision rendue par le jury ayant conduit in fine à la condamnation n'est pas motivée, la société "a pu largement comprendre les raisons de cette condamnation et de son montant, en critiquer, devant des juges professionnels de première instance et d'appel, les motifs de façon utile et recevoir une réponse motivée à l'ensemble de ses critiques".

  • la reconnaissance par le jury de la commission de manquements par l'ensemble des protagonistes et la possibilité de critique l'analyse du jury ne démontre pas l'absence d'impartialité de celui-ci.

La Cour conclut donc à l'absence de contrariété en l'espèce de la sanction infligée par une juridiction américaine à la conception française de l'ordre public international.

CAA Versailles, 25 sept. 2025, n°23VE02737

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