Opportunité de réclamation fiscale : taxe sur les salaires et dividendes

L’article 4 de la directive mère-fille prévoit que lorsqu’un Etat opte pour l’exonération des dividendes, comme c’est le cas pour la France, il peut prévoir que les charges liées aux participations résultant de la distribution des dividendes de la filiale européenne ne soient pas déductibles. Le texte prévoit également la possibilité pour les Etats de fixer forfaitairement le montant de ces charges sans que ce montant forfaitaire ne puisse excéder 5% des bénéfices distribués de la filiale.

La Cour de justice de l’Union européenne a jugé, en août dernier (CJUE, 1er août 2025, C‑92/24 à C‑94/24), que cette limite de 5% ne s’applique pas uniquement à l’impôt sur les sociétés mais également à d’autres impôts.

La Cour administrative d’appel de Paris avait quant à elle jugé, avant cet arrêt, qu’il n’existait pas de difficultés à prendre en compte les dividendes dans le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires (CAA Paris, 9 juillet 2025, n°24PA00252). Pourtant cette prise en compte conduit indirectement à imposer les dividendes au delà du seuil de 5%.

L’arrêt de la Cour de justice ouvre ainsi des perspectives de réclamation.

Qui est concerné ?

La taxe sur les salaires est une spécificité française qui s’applique aux employeurs établis en France qui ne sont pas assujettis à la TVA sur plus de 10 % de leur chiffre d’affaires.

Selon la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 8e et 3e ch., 31 mars 2023, n° 460838, mentionné aux tables), une société est redevable de cette taxe dans deux cas :

  • lorsque l’ensemble de son chiffre d’affaires n’est pas soumis à la TVA au cours de l’année de versement des rémunérations (année N) ;

  • ou, alternativement, lorsque plus de 10 % (11 % en réalité) du chiffre d’affaires de l’année précédente (année N-1) n’est pas soumis à la TVA et ne permet pas la déduction de cette taxe.

Pour les entreprises concernées, la taxe est calculée sur les rémunérations versées (base CSG), selon un barème progressif. Le montant dû est ensuite multiplié par un rapport d’assujettissement, calculé, sauf exception, sur l’année N-1. Ce rapport est déterminant afin de déterminer le montant de la taxe.

Le rapport d'assujettissement se calcule comme suit :

Les dividendes jouent ici un rôle essentiel. Bien qu’ils soient hors du champ d’application de la TVA, ils sont intégrés au dénominateur du rapport d’assujettissement, sans pour autant ouvrir droit à déduction. Leur poids dans le chiffre d’affaires global peut donc faire basculer une entreprise dans le champ de la taxe sur les salaires, ou augmenter significativement son rapport d’assujettissement à la taxe, accroissant ainsi le montant de la taxe.

Dans ce cadre, sont donc particulièrement exposés à cette taxe :

  • les holdings, du fait de la perception d’intérêts ou de dividendes ;

  • les acteurs des secteurs financier, assurantiel ou bancaire (banques, fintechs, assureurs, courtiers, opérateurs crypto etc.) ;

  • les groupes intervenant dans le secteur médical ou dans le secteur de la formation professionnelle exonérée de TVA ;

  • certaines sociétés bénéficiant de subventions non exceptionnelles importantes (startups ou sociétés financées par des tiers via des subventions hors champ TVA) ;

  • les entreprises du secteur des jeux d’argent (casinos, opérateurs de jeux, etc.).

 À l’inverse, certains opérateurs bénéficient d’une exonération légale, tels que les collectivités publiques, les opérateurs en franchise de TVA ou les universités ne sont pas concernés. 

Des stratégies d’affectation des salariés à des activités spécifiques peuvent permettre d’atténuer l’impact de la taxe (sectorisation telle que prévue par la loi et la doctrine).

Toutefois, ces mécanismes restent partiels : dans les faits, une entreprise dont une part significative de l’activité (notamment la perception de dividendes) échappe à la TVA ne pourra éviter totalement l’assujettissement à la taxe sur les salaires.

En pratique, l’exclusion potentielle des dividendes du calcul du rapport d’assujettissement constituerait une opportunité pour limiter le montant de la taxe sur les salaires, voire permettre à certaines entreprises de sortir totalement du champ d’application de cette taxe.

En effet, une telle exclusion – si elle est validée – aurait pour effet mécanique de réduire le dénominateur du rapport, et donc de faire baisser le taux d’assujettissement à la taxe sur les salaires.

Que faire ?

Il est important, à ce stade, pour les sociétés, de sauvegarder leurs droits en déposant une réclamation auprès de l’administration afin de demander le remboursement de la taxe sur les salaires.

Afin de pouvoir assister au mieux nos clients, nous travaillons en coordination sur ce sujet avec le cabinet Cyplom, cabinet dédié à la TVA et à la taxe sur les salaires.

Nous offrons ainsi une expertise des procédures contentieuses ainsi que des aspects techniques relatifs à la taxe sur les salaires pour répondre au mieux à vos questions et vous assister le cas échéant.

N’hésitez donc pas à nous contacter au besoin.

Quel délai pour réclamer ?

Le délai de réclamation en matière de taxe sur les salaires expire en principe le 31 décembre de la deuxième année suivant son versement (LPF, art. R*196-1).

Le Conseil d’Etat a précisé que les versements périodiques effectués au cours d’une année n’ont que le caractère d’acompte. Ainsi, la taxe sur les salaires due sur les rémunérations versées au cours de l’année 2022 est définitivement liquidée au cours de l’année 2023 et il est possible de déposer une réclamation, au titre de cette année, jusqu’au 31 décembre 2025.

Selon les situations, il est également possible de demander l’application de délais de réclamation spéciaux permettant de déposer des réclamations au titre d’années antérieures.

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