Soulte et abus de droit : un but exclusivement fiscal parfois absent quand la soulte sert de garantie
Un contribuable a apporté les actions qu’il détenait dans une société à une société luxembourgeoise le même jour que la création de celle-ci. En rémunération de cet apport évalué à 40 millions, il a reçu 36 400 000 actions de la société luxembourgeoise et une soulte de 3 600 000 euros. Cette soulte a été inscrite au compte courant d’associé du contribuable.
Fiscalement, la plus-value réalisée sur les titres apportés, y compris celle relative aux sommes correspondant à la soulte, a bénéficié du régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du code général des impôts.
A la suite d’un contrôle fiscal du particulier, l’administration a estimé que l’existence de la soulte constituait un abus de droit et a alors redressé le contribuable à ce titre.
Ce dernier estimait au contraire que les opérations n’avaient pas été réalisées dans un but exclusivement fiscal, condition nécessaire pour qu’un abus de droit puisse exister, car :
“cette soulte, liquide et facilement mobilisable, a contribué au développement international du groupe en constituant une garantie supplémentaire auprès des établissements bancaires et de tutelle”
“l'objectif de stipulation de cette soulte ne saurait être l'appréhension de liquidités en franchise immédiate d'impôt dès lors que la somme en litige, inscrite au crédit du compte courant d'associé [du contribuable], n'a pas fait l'objet d'une appréhension effective de sa part”
La Cour administrative d’appel va tout d’abord relever que ces deux raisons ne permettent certes pas de démontrer que l’existence de la soulte “aurait permis le dénouement de l'opération de restructuration ou de compenser pour l'apporteur un désavantage de l'opération d'apport”. Elle souligne cependant que cela ne signifie pas pour autant que l’existence de la soulte peut avoir une justification autre que fiscale.
La Cour relève alors que l’administration ne contestait pas que la garantie octroyée par l’actionnaire n’est pas équivalente à celle octroyée par la société elle-même. D’ailleurs, les autorités luxembourgeoises, afin d’analyser la solidité financière du contribuable, avaient pris en compte l’existence de son compte courant d’associé sur lequel avait été inscrite la soulte.
Les juges soulignent également que, même s’il n’existe pas de clause de blocage concernant le compte courant du contribuable, celui-ci n’avait jamais appréhendé la soulte inscrite à ce dernier.
La Cour conclut alors que “la stipulation de la soulte en litige poursuivait, au moins en partie, un objectif autre que fiscal, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme constitutive d'un abus de droit”.
Le redressement fiscal est ainsi annulé.
CAA Paris, 13 juin 2025, n°23PA03534
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