Reconstitution du chiffre d’affaires : la frite, c’est chic !
Après avoir évoqué les situations où l’administration lit dans le gramme de café ou celle du restaurant qui prétend verser l’eau en bouteille dans les carafes servies au client, la Cour administrative d’appel de Nantes donne l’occasion d’illustrer une autre méthode pour reconstituer le chiffre d’affaires d’un restaurant : les frites !
Un restaurant a en effet fait l’objet d’un contrôle fiscal au cours duquel l’administration a estimé sa comptabilité ni probante, ni sincère, et a donc reconstitué le chiffre d’affaires de celui-ci pour déterminer son bénéfice imposable.
L’inspecteur des impôts avait tout d’abord récupéré le montant des “achats de frites surgelées puis cuites” puis avait réduit celui-ci d’un taux de 18,3% correspondant selon lui au taux de pertes. Il a ensuite relevé le nombre de menus vendus avec frites et appliqué un prix moyen au nombre de menus vendus.
En ce qui concerne les menus sans frites, il a utilisé les indications données par la société et, pour reconstituer le chiffre d’affaires relatif aux desserts et boissons, il a utilisé les achats effectués par l’entreprise réduit d'un montant de 5% qu’il a estimé correspondre aux pertes et aux offerts.
La société a essayé de contester cette méthode en faisant notamment valoir que :
la méthode “frite” n’était pas pertinente pour un restaurant de kebab. La Cour rejette cependant l’argument en relevant que le restaurant “proposait non seulement des kebabs mais également des pizzas, des tacos ou des croque-monsieur”.
les restaurants kebab aurait un taux de perte de l’ordre de 25 à 30% en ce qui concerne les frites. La Cour estime cependant que la société ne démontre pas “la similarité des conditions d'exploitation des établissements concernés avec celles de son propre établissement”.
il existait une pratique commerciale permettant aux clients de réclamer une portion de frites supplémentaires. La Cour estime cependant que la société n’apporte aucune preuve de l’existence de cette pratique.
le chiffre d’affaires retenu est supérieur à huit autres restaurants du Morbihan et les ratios de marge brut sont supérieurs à ceux de 267 établissements de Bretagne. La Cour estime que cela est sans conséquence sur le redressement fiscal.
le restaurant proposait une autre méthode en fonction d’un ratio de chiffre d’affaires constaté dans des établissements de type kebab localisés en Bretagne et réalisant un chiffre d’affaires similaires. La Cour estime cependant que cette méthode ne permet pas de déterminer le chiffre d’affaires de la société avec une meilleure approximation que la méthode de l’administration.
Le redressement fiscal du restaurant et l’application des pénalités est confirmé.
CAA Nantes, 10 juin 2025, n°24NT02718
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