Contrôle fiscal de l’avocat : comment garantir son secret professionnel
Lorsqu’un avocat fait l’objet d’un contrôle fiscal, l’inspecteur va venir examiner ses documents comptables mais également lui poser un certain nombre de questions.
Il y a un risque que des informations couvertes par le secret professionnel soient alors divulguées à l’inspecteur, soit par la remise de documents ou lors des réunions qui se déroulent au cours du contrôle fiscal.
Afin d’éviter cela, il est important, avant le contrôle fiscal, de ne pas mentionner des informations sur des documents comptables, en particulier les factures. Lors du contrôle, il est nécessaire de faire attention à ce qui figure sur les documents remis pour ne pas violer le secret professionnel de l’avocat.
Dans cet article, nous aurons l’occasion d’évoquer d’abord ce que prévoit la loi (1), puis les différents enjeux autour du contrôle fiscal en ce qui concerne l’établissement des notes d’honoraires par l’avocat (2) et la remise obligatoire du fichier des écritures comptables en cas de contrôle fiscal (3). Nous évoquerons ensuite la question des documents pouvant être remis à l’inspecteur et la réponse à ses questions (4). Enfin, nous évoquerons le cas où l’avocat fait l’objet d’un redressement fiscal (5).
1. Que prévoit la loi ?
Le code général des impôts prévoit que, en cas de contrôle fiscal, “l'administration peut demander aux intéressés tous renseignements susceptibles de justifier l'exactitude des chiffres déclarés et, notamment, tous éléments permettant d'apprécier l'importance de la clientèle”. Cela comprend également le livre-journal sur lequel figure notamment l’identité des clients (CGI, art. 98).
Le livre des procédures fiscales et la jurisprudence du Conseil constitutionnel encadrent néanmoins strictement les informations auxquelles l’administration peut avoir accès en cas de contrôle fiscal d’un avocat.
En effet, l’article L.13-0 A du livre des procédures fiscales prévoit qu’au cours du contrôle fiscal d’un avocat, au delà de demander les documents comptables, l’inspecteur peut demander des informations concernant le montant, la date et la forme des versements des recettes perçues par l’avocat. Il n’a pas le droit de demander des informations en ce qui concerne la nature des prestations fournies.
Le Conseil constitutionnel a précisé encore plus clairement que « le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations demandées, qui ne peuvent porter ni sur l'identité des clients, ni sur la nature des prestations fournies » (Cons. constit., 29 déc. 1999, n°99-424 DC, cons. 40).
2. Comment établir des notes d’honoraires pour ne pas violer le secret professionnel ?
Lors d’un contrôle fiscal d’un avocat, la jurisprudence n’est pas fixée sur la possibilité pour l’inspecteur d’avoir accès aux notes d’honoraires établies par l’avocat.
Néanmoins, afin de limiter la violation du secret professionnel de l’avocat si ces factures devaient être remises, il faut faire attention aux mentions figurant sur celles-ci.
La loi (CGI, annexe II, art. 242 nonies A) prévoit les mentions obligatoires et indique que doit notamment figurer sur les factures “pour chacun des […] services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable”.
Ainsi, l’avocat doit normalement mentionner sur la facture la “dénomination précise” des services rendus. Néanmoins, il convient, afin de respect le secret professionnel, de se limiter à une dénomination qui ne permet pas à l’inspecteur de connaître exactement la prestation réalisée. Il est ainsi possible de renvoyer à la convention d’honoraires ou d’accompagner l’envoi de la facture au client par un détail plus précis des prestations réalisées dans l’e-mail d’envoi de la facture ou éventuellement dans un document annexe.
Ainsi, lorsque l’inspecteur aura accès aux notes d’honoraires, il n’aura pas connaissance des prestations réalisées par l’avocat ce qui permettra de respecter le secret professionnel.
3. Modifier le fichier des écritures comptables avant de le remettre
En cas de contrôle fiscal d’un avocat, l’administration fiscale demande normalement, dès le début de la vérification de comptabilité, d’avoir communication du “Fichier des écritures comptables” connu également comme le “FEC”.
Cette première étape peut déjà conduire l’avocat mal conseillé soumis à un contrôle fiscal à donner des informations couvertes par le secret professionnel.
En effet, il est susceptible de figurer dans ce fichier la “nature des prestations réalisées” et “l’identité des clients”. Ces informations, couvertes par le secret, doivent être exclues du fichier avant leur remise à l’inspecteur.
4. Quels documents faut-il remettre ou ne pas remettre à l’inspecteur ? Comment répondre aux questions posées à l’avocat ?
Un inspecteur pourrait être tenté de demander à l’avocat contrôlé des conventions d’honoraires ou encore les consultations, mémorandums ou autres documents afin de justifier des prestations réalisées. L’inspecteur n’a pas le droit de demander à avoir accès à ces documents. Il est donc important pour l’avocat de refuser de les remettre ou à tout le moins de s’assurer d’avoir une demande écrite de la part de l’inspecteur de communication de ces documents.
La question peut être plus délicate en ce qui concerne les charges déduites par l’avocat. Bien souvent, les documents qui justifient ces dernières ne mentionnent aucune information couverte par le secret professionnel. Il peut néanmoins en être différemment en ce qui concerne, par exemple, les cadeaux fait par l’avocat à ses clients. Dans ce cas, l’inspecteur est susceptible de demander le nom du client ce qui pourrait poser difficultés au regard du secret professionnel de l’avocat. Il est alors important de demander à l’inspecteur de poser la question par écrit afin de justifier que cette information, couverte par le secret professionnel, est remise à la demande de l’inspecteur.
En ce qui concerne les questions posées en cours de contrôle, en cas de difficulté, il est important de demander à l’inspecteur de formuler la question par écrit et de garder à l’esprit que l’avocat n’a pas à répondre à des questions concernant l’identité des clients ou la nature des prestations qu’il a réalisées.
5. Que faire en cas de redressement fiscal de l’avocat ? Que faire quand l’avocat reçoit une proposition de rectification ?
Dans le cas où l’inspecteur estime que les montants déclarés sont insuffisants, l’avocat reçoit une proposition de rectification ou une notification de redressement. Vous pouvez trouvez des éléments sur la procédure appliquée sur notre page dédiée à la proposition de rectification.
L’avocat peut formuler des observations sur le contenu de la proposition de rectification. La question peut alors se poser, dans certains cas, de fournir des éléments couverts par le secret professionnel pour contester le projet de redressement envoyé à l’avocat.
Il est important, dans ces circonstances, de s’assurer de la pertinence ou non d’envoyer ces éléments.
Dans le cas où vous feriez l’objet d’un contrôle fiscal pour votre activité d’avocat, le cabinet peut vous assister. N’hésitez pas à nous contacter.
Cet article est rédigé par le cabinet Mispelon Avocat dédié au contrôle et au contentieux fiscal.